Akdeniz: Dünya devriminin yeni havzası!

The Mediterranean: new basin of world revolution!

البحر الأبيض: الحوض الجديد للثورة العالمية

مدیترانه: حوزه جدید انقلاب جهانی

Il Mediterraneo: nuovo bacino della rivoluzione mondiale!

Μεσόγειος: Νέα λεκάνη της παγκόσμιας επανάστασης!

Derya Sıpî: Deşta nû a şoreşa cihânê

Միջերկրական ծով: նոր ավազանում համաշխարհային հեղափոխության.

El Mediterráneo: Nueva cuenca de la revolución mundial!

La Méditerranée: nouveau bassin la révolution mondiale!

Mediterrâneo: bacia nova da revolução mundial!

Cessez l’aventurisme au Caucase tout comme en Mediterranée Orientale! L’OTAN hors du Caucase! La solution définitive, c’est la Fédération caucasienne!

Le Comité Central du DIP (Parti Révolutionnaire des Travailleurs) de Turquie s'est réuni ce week-end et a adopté une déclaration sur la guerre dans le Haut-Karabagh. Ce qui suit est une version abrégée de cette déclaration, omettant les détails les plus contingents et transitoires et s’occupant des aspects les plus structurels et durables de la question.

 

  1. Le 27-28 septembre, d’abord avec le pilonnage des régions liées à l’Azerbaïdjan par l’Arménie et ensuite avec la contre-offensive de l’armée Azerbaidjanaise sur toute la ligne de front, la guerre dans le Haut-Karabagh a recommencé et s’est vite intensifiée. Nous disons bien « recommencé » parce que la guerre qui a commencé en 1992 trouve ses origines en 1988 lors du processus de désintégration de l’Union Soviétique. Malgré un cessez-le-feu signé en 1994 ce conflit ne s’est pas conclu par une paix. Depuis, certaines régions dans et autour du Haut-Karabagh sont sous l’occupation de l’armée arménienne.
  2. Dans cette guerre, le peuple travailleur de Turquie ne peut adopter le point de vue de l’alliance entre sa propre classe dominante et les pétroliers oligarques d’Azerbaïdjan. Adopter un tel point de vue, masquerait la lutte immense de nos frères du peuple travailleur d’Arménie contre un régime semblable aux régimes bourgeois et despotiques de Turquie et d’Azerbaïdjan. En Azerbaïdjan, malgré l’oppression du despotisme d’Aliev, il est clair que le peuple travailleur est mécontent car il ne reçoit de la rente pétrolière que la pauvreté. Cependant, l’expression politique de ce mécontentement s’exprime sous la forme d’une subjection des classes populaires à une opposition bourgeoise corrompue, alliée d’un côté avec les partis libéraux pro-occidentaux, et de l’autre côté, avec les partis nationalistes. Pendant qu’en Azerbaïdjan et en Turquie la lutte du peuple travailleur pour le pain et la liberté était réprimée, en Arménie en 2018, cette même lutte a renversé le pouvoir oligarchique et despotique de Sarkissian mais a été dévoyée et corrompue par l’hégémonie de Pachinian. Que ce soit en Azerbaïdjan, en Turquie ou en Arménie, les intérêts des peuples travailleurs, ne font qu’un. Le déluge de feu créée par la guerre occulte aujourd'hui cette réalité. Sous l’effet du discours démagogique de "deux États, une nation" les classes dirigeantes de Turquie et d'Azerbaïdjan, vont détourner et rediriger la colère des travailleurs -qu’ils exploitent- contre le peuple arménien en utilisant le chauvinisme.
  3. Pour nous, l'Arménie c’est le peuple arménien qui s'est rebellé en 2018 pour le pain et la liberté. Ce peuple est notre frère et notre ami. Un siècle après 1915, en tant qu’avant-garde de la classe ouvrière et en tant que socialistes de Turquie, il est clair que notre responsabilité première et principale est la lutte contre le chauvinisme qui a été répandu contre le peuple arménien, ce, bien avant de discuter toutes autres questions, militaire, politique, diplomatique. Car si nous ne menons pas cette lutte malgré toutes les difficultés, certaines terres changeront de mains dans cette guerre, comme dans les guerres précédentes, un nouvel équilibre s'établira, les travailleurs continueront de renforcer leur inimitié les uns contre les autres, et les classes dirigeantes de chaque pays pourront faire perdurer leurs régimes corrompus, qui maintiennent leurs peuples dans la pauvreté et l'oppression. La guerre du Karabakh, qui a repris en 2020, ne donnera pas un résultat différent dans les conditions actuelles.
  4. Après l'effondrement de l'URSS, face à l'influence militaire et politique de la Fédération de Russie dans la région – qui subsistait bien qu’affaiblie—un équilibre s’est établi avec l’influence de l'impérialisme occidental sur l’Azerbaïdjan à travers la Turquie, et sur l’Arménie à travers la diaspora arménienne aux États-Unis et en France. Dans cet équilibre, l’Arménie s’est montrée toujours plus proche de la Russie, alors que l'Azerbaïdjan était du côté plus proche de l'impérialisme occidental et la Turquie. Alors que l'Azerbaïdjan faisait partie du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldavie), créé en 1997 après la dissolution de l'URSS et formé par les pays sous l'influence de l'impérialisme occidental, l'Arménie fait partie avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et la Biélorussie, de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective formée sous l'influence de la Russie. L'Arménie abrite également une base militaire russe dans la ville de Gyumri.
  5. Le Caucase est toujours dans la sphère d'influence de la Russie. Mais le développement militaire de l'Azerbaïdjan, lui donnant un avantage sur l'Arménie, a été possible via la Turquie, grâce à l'OTAN. Tout cela fait de l'Azerbaïdjan, après la Géorgie, le candidat le plus fort dans la perspective d'élargissement de l'OTAN dans le Caucase. De plus, l'utilisation des expressions « forces arméniennes soutenues par la Russie» dans le langage de propagande utilisé par le public azerbaïdjanais indique une volonté de placer la guerre du Karabakh dans la tension Russie-OTAN dans le Caucase. Un langage similaire est utilisé par le pouvoir en Turquie.
  6. D'un autre côté, la minorité azerbaïdjanaise en Iran a été un élément sérieux de tension entre ces deux pays. Israël profite de cette ligne de fracture en améliorant ses relations avec l'Azerbaïdjan pendant que l'Iran fait de même avec l'Arménie. Surtout depuis 2014-2015, Israël est devenu le plus grand fournisseur d'armes de l'Azerbaïdjan, dépassant la Russie, qui détenait historiquement le monopole de la fourniture d'armes dans la région.
  7. La Turquie a évité d'ouvrir un nouveau front dans le Caucase lorsqu’elle vivait de graves tensions militaires en Libye avec l’Égypte et la Russie, en Méditerranée orientale avec la Grèce et la France et lorsque le front d'Idlib en Syrie était toujours à l’ordre du jour. Cependant, entre le 13 Juillet (quand il y avait un accrochage entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan) et le 27-28 septembre elle se retira en grande partie en Méditerranée orientale, dut endurer le cessez-le-feu signé en Libye malgré elle, gela son conflit avec la Grèce en Méditerranée orientale en le transférant à l'OTAN, et finit même par retirer le navire Oruç Reis vers le port d'Antalya. Alors que la retraite en Méditerranée orientale s'est transformée en défaite totale, la contradiction entre la Russie et l’Arménie dans le Caucase était clairement perçu comme une nouvelle opportunité. De toute évidence, il a été prévu que dans le cas où l'Azerbaïdjan répondrait par une offensive contre les attaques de l'Arménie, cela ne ferait pas beaucoup de bruit en Russie dans le cas où l'armée azerbaïdjanaise s'emparerait de certaines des régions dans le cadre de la solution tracé par le groupe de Minsk.
  8. Certaines forces qui ont peu à perdre, du fait de leur position géographique, espèrent profiter du chaos à venir. C’est sans doute le cas de l'impérialisme britannique, qui a récemment traversé une guerre froide avec la Russie. L'État britannique se distingue comme étant presque le seul pays parmi les puissances occidentales à ne pas avoir officiellement appelé à un cessez-le-feu au Karabakh. Si les États-Unis, qui appellent au cessez-le-feu et à la retenue, ne souhaitent pas connaître de nouvelles tensions avec la Russie du fait du Karabakh, sauf si c’est de leur propre initiative, c’est qu'en dernière analyse, pour les Etats-Unis, la question sera abordée dans la perspective de l'expansion de l'OTAN dans le Caucase.
  9. Avec la guerre qui a déjà commencé, Israël observe la montée des tensions entre l'Azerbaïdjan et l'Iran avec plaisir. De plus, ce n’est pas un secret que le gouvernement turc qui bat en retraite dans l'est de la Méditerranée est à la recherche d’un accord avec Israël. Les discussions de normalisation avec l'Égypte sont constamment maintenues à l'ordre du jour par les médias proches du pouvoir et les politiciens de l'AKP comme première étape d'un accord avec Israël. Il est très significatif que le soutien d'Israël à l'Azerbaïdjan soit souligné plutôt que dissimulé par un certain nombre d'auteurs et de commentateurs favorables au pouvoir. Ce n'est pas la première fois que l'hostilité raciste et chauvine envers les Arméniens est utilisée pour la campagne publicitaire du sionisme. Les media ont toujours chanté les louanges de la coopération du lobby sioniste avec la Turquie pour empêcher les projets de loi sur le génocide arménien présentés aux parlements en Europe et aux États-Unis au peuple turc. Enfin, Israël est l'une des forces de la région qui favorise l’intensification de la guerre afin d’augmenter la tension entre l'Azerbaïdjan et l'Iran pour encourager les mouvements séparatistes du peuple azerbaïdjanais d’Iran.
  10. Dans l'éventail des conséquences politiques possibles de la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, il n'y a pas de situation en faveur des travailleurs des deux pays ainsi que des autres pays de la région. La Turquie ne devrait pas provoquer l’intensification de la guerre. S’il est vrai qu’une partie des mercenaires en Syrie ait été expédiée dans la région du Karabakh, et que la Turquie participe à la guerre en joignant ses forces à celles de l'Azerbaïdjan, elle doit cesser  immédiatement. Les dénis officiels faits par la Turquie et l’Azerbaïdjan sur cette question montrent une contradiction grave avec les déclarations de certaines organisations syriennes rapportées par la presse internationale et la propagande de certains cercles politiques islamistes sur cette question.
  11. Le fait que les peuples du Caucase soient dépendants des grandes puissances par de nouvelles relations inter-étatiques inégales devrait nous conduire à chercher les indices d’une solution, sinon la solution elle-même, dans près d'un siècle de tranquillité et de paix que cette région a vécu après la révolution d'octobre. Dans notre passé, il n'y a pas que l'hostilité, le massacre et le génocide ! N'oublions pas que, de la révolution de la Liberté en 1908 à la Commune de Bakou, de là au Congres des peuples de l’Orient, les peuple de l'Arménie, de la Turquie et de l’Azerbaïdjan ne se sont pas toujours fait la guerre, tous ensembles ils ont aussi fait la révolution !
  12. Chaque bouleversement au cours de l'histoire moderne dans la vaste zone géographique dont fait partie le Caucase se transforme en massacres nationaux à l'intérieur et autour du Caucase lui-même. C'est ce qui s'est passé lors de la révolution russe de 1905. Dans les mois qui suivirent la révolution de 1917, le drapeau révolutionnaire hissé par la Commune de Bakou fut à nouveau taché du sang des conflits azéro-arméniens. Le Nakhitchevan et le Haut-Karabakh ont toujours créé des problèmes entre les deux nations au début de l’époque soviétique. Lorsque les réformes de Gorbatchev en Union Soviétique ont un peu assoupli l'atmosphère politique, avec Sumgaït, Khojaly, l’Haut-Karabakh, le Caucase s’est transformé en baril de poudre. Trente ans après l'effondrement de l'Union Soviétique, la tension entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans le Caucase recouvre encore toutes sortes d'autres problèmes politiques. Si aucun gouvernement turc n'a pu améliorer les relations avec l'Arménie au cours du dernier quart de siècle, c'est dans une certaine mesure que la tension arméno-azerbaïdjanaise a paralysé les gouvernements turcs. Mais le problème en Anatolie n'est pas seulement une tension turco-arménienne. Certaines des terres que les Arméniens considèrent comme leur foyer historique sont également considérées par les Kurdes comme leur propre patrie. Il y a donc une triple revendication sur le même terrain et elles se contredisent toutes. La minorité turque azerbaïdjanaise en Iran est constamment provoquée par l'impérialisme et le sionisme.
  13.  Nous voyons une structure similaire dans les Balkans et le Moyen-Orient. Les lignes de fracture nationales, ethniques et sectaires sont en collision avec les frontières des États établis ici et font de toute la région un lieu d'intervention et d'influence de l'impérialisme avec des conflits sans fin. Surtout, dans les Balkans et le Caucase, le fait que lorsqu’ils existaient des États ouvriers, les peuples présentés aujourd'hui comme des ennemis depuis des temps immémoriaux vivaient ensemble dans des structures fédératives, et même si tous les problèmes n'avaient pas été résolus, l'environnement de tranquillité et de paix relative vécue tout au long de cette période nous montre que l'hostilité entre les peuples des Balkans et du Caucase n'est ni jurée ni éternelle. Ainsi, le problème national dans la ligne Anatolie orientale-Moyen Orient-Caucase ne peut être résolu qu'en défendant une fédération. Il n'est pas possible de résoudre les contradictions turco (azéri) - arménienne - kurde - perse qui viennent des profondeurs de l'histoire dans une solution juste, permanente et stable à travers des États nationaux indépendants. Ces contradictions ont un caractère stratégique, comme en témoignent les massacres et les luttes qui durent depuis plus d'un siècle, au moins depuis 1894-96. La solution ne sera trouvée qu'en unissant les peuples caucasiens dans une fédération socialiste. Cette solution est aussi la seule solution des travailleurs contre l'impérialisme et les classes dirigeantes des Balkans et du Moyen-Orient.
  14. Il n’y a qu’un mois que le DIP, avec ses camarades azerbaïdjanais et iraniens, qui luttent également pour s'organiser sur des bases marxistes révolutionnaires, a appelé à un « deuxième Bakou » à l'occasion du 100e anniversaire du Congrès des Peuples de l'Orient de Bakou. Cet appel était un appel conjoint préliminaire à une nouvelle coopération de la classe ouvrière, de la paysannerie et des pauvres de toute la région, du Moyen-Orient et du Caucase, sur des bases internationalistes. Notre manifeste disait : «Les masses, c'est-à-dire les travailleurs, les paysans, les pauvres des villes et les jeunes, ont démontré à plusieurs reprises leur volonté de lutter pour renverser les régimes politiques répugnants qui oppriment les peuples de notre région et l'ordre socio-économique exploiteur qui nous appauvrit de jour en jour. C'est à nous, socialistes, communistes, révolutionnaires, de diriger les masses qui se lèvent. Nous avons besoin de leadership pour ne pas perdre ces révolutions la prochaine fois. Nous avons désespérément besoin d'un leadership politique cohérent qui se nourrit du marxisme ». Le soulèvement populaire en Turquie qui a commencé avec le parc Gezi, le soulèvement populaire en 2018 en Arménie, une série de révoltes, grèves, luttes successives en Iran, dont l’apogée (pour l’instant) est la révolte populaire de novembre 2019, ont été incapables d'aller plus loin en raison de l’absence d'une direction marxiste. Nous en payons le prix aujourd’hui avec une guerre chauvine potentiellement en expansion. Nous appelons à nouveau les forces prolétariennes anti-impérialistes et anti-chauvines de tous les pays de la région à faire le premier pas vers une unité internationaliste.

Le Comité Central du DIP

04.10.2020