Le Parti Révolutionnaire de Travailleurs (DIP) de la Turquie a publié une déclaration le jour suivant la garde à vue des députés kurdes du HDP. L’originale est en turc. On publie ici une version quelque peu abrégée de la déclaration originale. La traduction a été faite par Sinem Feral.
La nuit du 3 au 4 octobre, l’État turc a mis en garde à vue la volonté de 5 millions de Kurdes. Ce n’est que de cela qu’il s’agit. La liberté écrasée au moment où plusieurs députés du HDP, qui a passé dans les conditions les plus difficiles le seuil électoral national par les votes de 5 millions d’électeurs, dont la grande majorité est des Kurdes, lors des élections du 1er octobre 2015, il y a donc juste un an, sont enlevés par irruption au domicile est celle de ces 5 millions de Kurdes et d'autres électeurs du HDP. Ce ne sont pas seulement les députés du HDP qui se sont dépossédés de leur liberté, mais 5 millions de personnes de celle d’élire leurs représentants. L’Etat de la République de Turquie a volé la liberté d’un citoyen sur 10 !
Pourquoi ? Car les immunités parlementaires ont été supprimées. Posons donc la question : Pour quelle raison ont été supprimées les immunités ?
La réponse est claire. Chacun la connait, mais personne ne peut désormais en parler. Ayant perdu sa majorité lors des élections du 7 juin 2015, Tayyip Erdoğan- le pouvoir d’AKP a intensifié la lutte contre le mouvement politique kurde. La réponse est d’autant simple. Pour Erdoğan, la solution passait par la mise à fin du prétendu processus de solution pour la paix, par l’accroissement de la guerre, par la provocation du chauvinisme afin d’attirer plus de voix nationalistes ainsi que le MHP (Parti d’action nationaliste) dirigé par Devlet Bahçeli de son côté. Si des milliers de jeunes et autres des deux camps ont depuis perdu la vie, c’est de la nécessité pour l’AKP d’augmenter ses votes et de retrouver la majorité. La Turquie subit ainsi une guerre de prospérité personnelle. Tout le monde en paie le prix.
Toujours des méthodes policières envers les Kurdes
La Turquie a mis en lumière par cette manœuvre qu’aucun progrès n’est à noter entre temps dans la résolution du problème kurde malgré toute cette façade de “paix”, "d’ouverture”, de “processus de solution”. Certains députés du DEP (Parti de la démocratie) avaient été enlevés, le 4 mars 1994, par la police, après la suppression de leurs immunités. Cet événement et en particulier l’image d’un policier qui tenait le cou d’Orhan Doğan avec son coude avait depuis des années eu un effet traumatique sur la vie politique de la Turquie. Une partie de ces députés, après avoir été emprisonnés depuis des ans, ont été disculpés, et avaient été rentrés au Parlement. Mais aujourd’hui, après plus de 22 ans passés, le gouvernement de la Turquie attaque encore les députés des Kurdes en se servant des méthodes policières.
Le chauvinisme affaiblit l’opposition contre le pouvoir d’Erdoğan- d’AKP
Se faire nationalisme turc au sujet kurde divise fâcheusement le camp opposant Erdoğan et AKP. Qui que ce soit qui traite les Kurdes comme des ennemis, est celui qui contribue au programme de Rabia d’Erdoğan et d’AKP, n’étant que l’expression de la rêverie de domination de “Reis”, donc Erdoğan sur le monde sunnite, ce programme affreux de guerre des sectes qui s’exprime par un seul geste qui s’exécute en dressant quatre doigts d'une main tout en repliant le pouce à l’intérieur de la paume. Qui que ce soit qui prend position aujourd’hui dans le Moyen-Orient contre les Kurdes, est celui qui aide à l’impérialisme américain afin qu’il intègre mieux ses dents à la nuque de la Turquie!
En ce lieu, le rôle du CHP (Parti républicain du peuple) est particulièrement réactionnaire. D'un côté, il mène un soi-disant dialogue avec l’HDP. Mais de l’autre côté, il contribue à la stabilité des bourses et du dollar en soutenant un “consensus national” pour lequel est écarté l’HDP, en se contentant de murmurer que “l’HDP devrait être invité au Yenikapı”. Le plus déshonorant, c’est le vote de Kılıçdaroğlu en faveur de la suppression des immunités sous prétexte de “faire du bluff”. Si Demirtaş, Yüksekdağ et leurs amis sont tous pris aujourd’hui en garde à vue, si la volonté de 5 millions de Kurdes est écrasée sous les godillots, si leurs représentants sont enlevés par la police antiterroriste, cette honte est en même temps celle de Kılıçdaroğlu.
Pour les avant-gardes ouvrièr.e.s, l’embargo appliqué à la volonté de leurs frères kurdes est inacceptable !
Les soi-disant opposants d’Erdoğan et d’AKP prennent place derrière le pouvoir au question kurde car le capital de Turquie, et non pas seulement les Albayrak, mais aussi les Koç, ont convoité le pétrole de la région irakienne dans laquelle vivent les kurdes. À ce titre un rapprochement se fait au rang capitaliste. Mesut Barzani, qui domine aujourd’hui la région, est fermement attaché au pouvoir d’AKP. L’Etat bourgeois de la Turquie n’autorisera personne à représenter le peuple kurde sauf Barzani. Barzani, de son côté, représente les intérêts des tribus kurdes et d’une nouvelle bourgeoisie rentière étant en train de se développer sous les ailes de l’impérialisme américain et de la Turquie d’AKP. C’est pour cela qu’il a tourné le dos aux autres organisations du peuple kurde.
À ce titre, la Turquie, gouverné par l’AKP, cherche l’aventure au Moyen-Orient. Elle suit une politique qui causera des morts parmi les jeunes kurdes et turques sur le territoire irakien, syrien ou peut-être sur d’autres pour des raisons pétrolières. Le prix d’enrichissement des capitalistes grâce au pétrole est le risque pour la classe ouvrière, pour les paysans pauvres et pour les pauvres des villes et surtout pour les jeunes de perdre la vie. Le reflet à l’intérieur du même problème agite la guerre basée sur le problème kurde qui dure depuis 30 ans. C’est à la conséquence de cette politique pétrolière que les députés du HDP ont été arrêtés. Le processus pétrolier a remporté contre l’ouverture kurde !
La classe ouvrière n’a pas de vie ni de jeunes à sacrifier au bénéfice des autres. Les avant-gardes ouvrièr.e.s pris la conscience politique s’opposeront pour cette raison à l’écrasement de la volonté politique de 5 millions de Kurdes. Le peuple kurde est un peuple frère. Eux aussi ils ont le droit, comme nos ouvriers, à parler leur langue, à écouter leur musique, à donner à leurs enfants les noms qu’ils préfèrent, à être représentés par ceux qu’ils ont choisis.
Le pouvoir qui foule aux pieds les droits du peuple kurde, arrache en même temps à la classe ouvrière tous ses droits, ses acquis, ses positions un par un. L’offensive de privatisations, la perte des garanties du droit au travail, être esclave des agences d’emploi privées… Quelle est la responsabilité du Kurde sur ceux-là ? Le plus important, c’est l’état d’exception ! Le même régime frappe l’ouvrier, l’employé et le Kurde de même.
C’est pour cela que la classe ouvrière doit lutter contre la guerre, contre l’état d’exception fauchant les droits démocratiques, contre la privation de ses droits, contre l’impérialisme américain, mais non pas contre le Kurde. Le Kurde est le frère de l’ouvrier. Protéger cette fraternité est au profit de la classe ouvrière.
Scandons ensemble:
Non à l’embargo sur la volonté de 5 millions de Kurdes !
Libérez les députés du HDP !
On n’a pas de vie ni de jeunes à perdre pour le pétrole !
Lutte contre les États-Unis, non pas contre le Kurde !