Chers sœurs et frères d'Irak, du Liban, d'Algérie et du Soudan!
Le DIP (Parti Révolutionnaire de Travailleurs), qui est une organisation internationaliste basée en Turquie, salue les efforts héroïques des peuples de vos pays pour contester les structures étatiques et le système économique capitaliste sur lequel ces structures étatiques s’élèvent. Après la résilience impressionnante du peuple soudanais, qui a perdu des centaines de martyrs révolutionnaires dans le processus, la résolution du peuple algérien, qui n'a pas cessé de défier le régime sous toutes ses formes de manifestation, nous avons maintenant l'Irak avec presque 500 martyrs, dans un laps de temps beaucoup plus court que la révolution soudanaise. Il s'agit d'un hommage à la «démocratie» que l'Amérique était censée apporter à l'Irak, qui s'avère nettement pire que le régime d'Omar el-Béchir! Même le Liban, où, malgré une répression bien réelle, les choses ont commencé plutôt pacifiquement par rapport aux autres pays, entre maintenant, semble-t-il, dans une période de répression violente de la part des soi-disant «forces de sécurité». Nous observons avec une grande admiration la résistance et la résolution de vos peuples.
Nous venons d'un pays qui a traversé un processus similaire à celui que vous vivez en ce moment. Nous entendons par là les soi-disant «événements du parc Gezi» de 2013, une description qui ne couvre pas tout à fait les dimensions multiples et riches d'une révolte populaire très importante. La dimension d'Istanbul pourrait peut-être être décrite par ce nom. Même là-bas, le nom est problématique car il y a eu des soulèvements totalement indépendants des incidents du parc Gezi. Mais la description se trompe complètement quand on regarde au-delà d'Istanbul. Il y a eu des manifestations dans 80 des 81 départements de Turquie et la plupart étaient très différentes des incidents du parc Gezi à Istanbul.
Maintenant, ce sont vos pays qui vivent des expériences similaires mais diverses. Il est temps pour nous de vous exprimer notre solidarité dans un esprit internationaliste. Vos soulèvements se sont poursuivis malgré toute la répression. La révolution a fait rage pendant 8 mois au Soudan, avec un sit-in spectaculaire de deux mois devant le quartier général de l'Etat-Major de l’Armée. En Algérie, la révolution n'a pas cédé un pouce de terrain en 10 mois, le Hirak célébrant désormais sa 44e ronde des marches du vendredi au moment où nous écrivons ces lignes. La révolution irakienne, malgré les révoltes populaires régionales antérieures à partir de la mi-2018, a véritablement éclaté le premier jour d'octobre 2019, de sorte que la révolution proprement dite a presque trois mois maintenant. En ce qui concerne le Liban, le 17 décembre a vu le deuxième mois de la révolution passer au troisième. Il est maintenant temps pour toute la région de tirer les conclusions et de lutter avec vous.
Camarades, sœurs et frères,
Nous considérons tous les soulèvements qui font rage dans vos pays comme des révolutions. Nous sommes heureux de voir qu'en qualifiant vos mouvements de «Thawra», vous adoptez la même position. Les médias de masse des pays impérialistes ont maintenant inventé une nouvelle catégorie historique : les « protestations ». Et une catégorie d'accompagnement d'hommes et de femmes : les « manifestants ». C'est la conséquence de la volonté de tromper les peuples du monde : vous luttez pour faire tomber une certaine structure étatique. Vous voulez du pouvoir pour le peuple. Vous n'êtes pas des manifestants, vous êtes des révolutionnaires !
Nous voyons clairement que des classes et des couches de société très différentes participent à vos révolutions. Les exceptions sont limitées aux magnats capitalistes, à leurs hommes d'État, à leurs idéologues rémunérés et à leurs serviteurs formés pour réprimer le peuple. Chaque classe et couche a naturellement ses propres griefs concernant l'ordre établi des relations économiques. Des jeunes diplômés universitaires qui ne peuvent pas trouver un emploi décent aux paysans les plus pauvres avec, entre les deux, les problèmes de la classe ouvrière ou du prolétariat en général, des sociétés entières recherchent non seulement la démocratie, mais la restructuration de la vie économique de la manière la plus radicale. Dans chacun de vos pays, la lutte des classes éclate dans son expression la plus nue.
Il y a certainement d'autres questions à l'ordre du jour, de l'oppression des femmes jusqu'aux tribulations de communautés ethniques, nationales, religieuses ou confessionnelles minoritaires ou opprimées. Nous convenons que tous méritent d'être entendus et tous nécessitent un changement révolutionnaire qui élimine la discrimination, la ségrégation ou l'oppression.
Mais nous croyons aussi, chères sœurs et frères, que la lutte des classes est la clef de voûte de la victoire pour les exigences de tous les opprimés. C'est autour des pauvres, des démunis, des dépossédés, mais surtout du prolétariat autour duquel toute la lutte doit être réorganisée. La raison en est simple : seules ces couches, rassemblées autour de la classe ouvrière, peuvent changer le système de manière radicale et durable.
Camarades, sœurs et frères,
Nous voudrions également partager avec vous quelques leçons que nous tirons de la rébellion du peuple en Turquie en 2013 à la suite des événements de Gezi. La principale raison de l'échec de cette rébellion est l'absence d'organisation. Si la rébellion populaire s’était organisée en comités ou conseils ou shuras (comme nous les appellerions dans cette partie du monde) il aurait été beaucoup plus difficile pour l’État de dissoudre et d’absorber la révolte, malgré la répression appliquée. Nous pensons que les exemples de structures organisationnelles au niveau de base des militants et des activistes, tels que les Comités de Résistance de la révolution au Soudan, sont essentiels au succès de vos révolutions.
Cependant, s'il est vrai qu'il est dans le meilleur intérêt du mouvement de se positionner autour de la classe ouvrière, cela appelle également à l'organisation d'un parti ouvrier qui reste politiquement indépendant de toutes les forces sociales et politiques de l'ordre capitaliste et se bat pour le pouvoir de la classe ouvrière et de ses divers alliés, quel que soit le cas dans vos différents pays. Les partis politiques continuent d’être des instruments indispensables pour les masses révolutionnaires de nos jours. Nous ne devons pas tourner le dos à tous les partis simplement parce que nous sommes fatigués des partis qui sont les gardiens de l'ordre bourgeois. Oui, nous voulons qu'ils s’en aillent tous, killon yani killon, tous signifient tous, selon les mots de nos frères et sœurs libanais, ou comme nous disions alors en Turquie «qu’ils s’en aillent tous» (Hepsi Gitsin)! Mais nous voulons qu'ils s'en aillent. Nous ne voulons pas que nos partis, ceux qui s'opposent à cet ordre pourri, soient désorganisés.
Camarades, frères et sœurs,
Vos révolutions ne sont pas seulement des révolutions au niveau national. C'est vraiment la révolution du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) qui a commencé. La première génération de soulèvements qui ont fait partie de cette traînée de poudre, cette génération qui s’est soulevée entre 2011 et 2013, a été lancée par nos sœurs et frères en Égypte et en Tunisie, mais a atteint presque tous les coins de notre région. Maintenant la concaténation de vos révolutions (quatre révolutions en moins de douze mois) implique que quelque chose se prépare à nouveau dans toute la région. N'oubliez pas que nos sœurs et nos frères en Iran se sont également relevés à maintes reprises au cours des deux dernières années, le dernier soulèvement ayant pris une forme très spectaculaire. Nous ne pourrons résoudre nos problèmes qu'au niveau régional. Nous ne pouvons pas entrer dans les détails, mais disons simplement que sinon tous les macro problèmes qui existent et qui opposent une religion ou confession ou groupe ethnique contre une autre seraient, secrètement ou ouvertement, provoqués par d'autres forces de la région ou par les impérialistes. Cette libération régionale devra donc aussi nécessairement être de nature anti-impérialiste et donc antisioniste. Cela nous oblige à nous organiser dans un niveau plus élevé à l’échelle internationale.
Unissons-nous donc pour combattre les régimes rétrogrades de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et pour sauver nos économies et nos vies de la domination du capitalisme qui a déjà survécu à son potentiel. Organisons-nous ensemble dans la solidarité et abattons nos ennemis, les classes dirigeantes et leurs partisans impérialistes, pour nous unir dans une fédération du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Chez DIP, nous croyons que cette fédération ne peut être établie que sur la base du socialisme, mais nous sommes prêts à lutter avec tous les mouvements révolutionnaires contre l'ordre établi de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.
Nous vous proposons, chers camarades révolutionnaires, de vous tendre, au mieux de nos capacités, toute l'assistance que nous pouvons dans votre noble effort pour faire tomber le despotisme et le capitalisme dans vos pays.
Vive les révolutions du Soudan, de l'Algérie, de l'Irak et du Liban!
Vive la solidarité révolutionnaire dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord!
En avant pour le triomphe des révolutions en cours et l'extension de la révolution à toute la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord!