Où va l’Europe ?
Athènes, le 18-19-20 juillet 2015
L'Europe est devenue l'épicentre de la crise capitaliste mondiale post-2008 non résolue dans tous les aspects – social, économique, politique, géopolitique.
La «stagnation séculière», la récession et les pressions de la déflation affectent l'Union Européenne plus que tout autre groupe de pays avec des millions de personnes sans emploi, abri, services de santé ou d'éducation.
Toutes les affirmations que l'UE et la zone euro ont laissé la crise derrière ont été prouvées fausses. Ceci est clairement démontré par l'impasse dans la confrontation entre l'UE, la Banque Centrale Européenne et le FMI, d'une part, et le nouveau gouvernement grec élu en Janvier 2015, avec un mandat clair de mettre fin au cauchemar d‘«austérité », les mesures de cannibalisme sociale imposées par la troïka, de l'autre. Les soi-disant «institutions» du capital financier mondial et européen veulent imposer la poursuite indéfinie de ces mesures, en utilisant tous les moyens de chantage cynique et le gangstérisme de la finance, en dépit de la catastrophe sociale que leurs politiques ont produit et contre la volonté de résistance des masses populaires appauvries. La perspective du défaut de la Grèce ou d'un «Grexit » de la zone euro, malgré les prétentions d'auto-rassurance que les conséquences pourraient être «contenues», va certainement avoir un impact dévastateur sur l'économie capitaliste mondialisée. Même la voix de la City de Londres, le Financial Times, un des protagonistes, avec la presse capitaliste allemande et le Wall Street Journal, dans une campagne de haine et de calomnies contre les exigences d'anti-austérité, pas du gouvernement, mais du peuple grec lui-même, a dû admettre: «Un Grexit pourrait conduire à une crise financière mondiale, semblable à celle déclenchée par la faillite de Lehman Brothers en 2008...» (5 mai 2015). L'administration américaine a reconnu aussi qu'un tel événement représente un «risque systémique globale» et pas local, national ou européen.
Ce que les classes dirigeantes craignent le plus n’est pas uniquement la contagion financière-économique, mais la contagion de la résistance ouvrière et populaire intransigeante et victorieuse dans toute l'Europe, à la fois dans la périphérie surendettée et déprimée ainsi que dans le centre; une résistance qui se répand internationalement, du Nord au Sud, de l'Ouest à l'Est.
Ce n’est pas le programme très médiatisé d’«Assouplissement Quantitatif» (QE) lancé par la BCE en Mars 2015 qui peut arrêter ni la crise ni ses effets sociaux et politiques – la lutte de classes et les mouvements anti-systémiques sociaux. La «liquidité» générée par le programme de Mario Draghi aidera pendant une courte période les banquiers et les spéculateurs à produire plus de «bulles» financières qui seront ensuite éclatées dans des nouveaux krachs. Elle fera quelques personnes qui appartiennent à l’1 pour cent «d'en haut» plus riches et les 99 pour cent «en dessous» plus pauvres, mais elle ne peut pas inverser les tendances à la récession, apportant ainsi une reprise soutenue, mettant fin aux coupes des salaires et des pensions, à l'austérité, au chômage de masse, à la précarité et la paupérisation.
La Grèce dévastée dans la tourmente n’est qu’un microcosme du monde capitaliste en général, représentant le «devenir la Grèce» de chaque pays. Le fossé entre le centre et la périphérie se fane. Il ya des zones de dévastation, des ghettos et de marginalisation en développement partout. La majorité des gens sont réduits à une majorité de toutes sortes de minorités opprimées, face à une discrimination croissante et la brutalité policière, vivants dans un «état d'exception» qui est maintenant devenue la règle. En dernière instance, c’est ce mécontentement social permanent qui est derrière la crise de légitimité et les crises de régime, à un degré ou un autre, dans les pays européens et de l'UE elle-même.
La «Forteresse Europe» est le résultat final d'une UE impérialiste, raciste, pourrie, qui a transformé la mer Méditerranée, du Gibraltar et Lampedusa à Rhodes, en un cimetière marin, où des milliers de migrants et de réfugiés provenant de l'Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie se noient, en tentant d'échapper aux guerres, au pillage et à la destruction entamés précisément par les mêmes impérialistes européens (et nord-américains).
Mais les murs d'apartheid de cette Forteresse Europe ne sont pas seulement «externes», avec ses frontières gardées par la machine à tuer de Frontex, mais internes aussi, assurés par les appareils d'État tout aussi barbares et par la hausse des groupes d'extrême droite et fascistes. Chez nous et à l'étranger, nous sommes tous des migrants, des opprimés et des exploités par le même ennemi de classe.
Le projet de l'UE et l'introduction de l'euro en tant que monnaie commune étaient liés depuis le début avec la nouvelle situation mondiale, pompeusement et faussement étiquetée par le triomphalisme bourgeois «la fin de l'Histoire», suite à l'effondrement sans gloire du «socialisme réel» et la disparition de l'Union Soviétique. L'expansion à l'échelle continentale de l'impérialisme européen, son unification sur des bases capitalistes autour de l'axe germano-français, la recolonisation de l'Europe de l'Est, des Balkans et des anciennes républiques soviétiques ont été considérées comme indispensables à la concurrence pour l'hégémonie dans le monde de l’après-guerre froide.
Les tragédies de la Grèce et de l'Ukraine, toutes les deux liées aux politiques de l'UE, montrent clairement l'échec de l'ensemble du projet. La Grèce est le lien cassé de la chaîne internationale de la zone euro. L'implosion financière et politique de l'Ukraine dans le chaos, le Maidan, la hausse des nostalgiques de Bandera et des forces ouvertement nazis, couvertes, financées et mobilisées par les «démocraties» occidentales, la résistance et la rébellion dans le Donbass, les termes de colonisation imposées par le programme du FMI sur une population ukrainienne paupérisée, la haine nationale et le chauvinisme de toutes sortes, la confrontation croissante entre la Russie et les impérialismes des États-Unis, de l'UE et de l'OTAN sont des signes clairs pas d'une nouvelle guerre froide, mais d'un monde après-après-guerre froide, la fin de la «fin de l'Histoire» proclamé un quart de siècle plus tôt.
Toutes les questions les plus dramatiques de l'histoire – la guerre, les révoltes, la contre-révolution, la révolution – sont à nouveau à l'ordre du jour sur le continent européen lui-même, et pas loin, dans des pays du tiers monde, en interaction avec un Moyen-Orient en flammes et des convulsions partout dans les Balkans, l'Europe de l'Est, le Caucase et les anciennes républiques soviétiques.
La Grèce est non seulement la manifestation la plus aiguë de la crise européenne et internationale dans le sens économique et politique sociale. Elle est située au centre d'un triangle de guerres provoquées par l'intervention impérialiste et l'exacerbation de la crise dans la région: l'Ukraine dans le Nord, la Syrie et l’Irak dans le Sud-Est, la Libye dans le Sud. Les dangers sont augmentés avec la découverte de gisements de pétrole et de gaz dans la Méditerranée orientale et l'accentuation de tous les antagonismes locaux et internationaux, tout d'abord entre la Grèce, la Turquie et Chypre. Le rapprochement et le renforcement d'une alliance stratégique entre Athènes, Nicosie, Tel Aviv et maintenant le Caire, sous le boucher de la Révolution égyptienne, général al-Sisi, et, de l'autre côté, les ambitions néo-ottomanes de l'hégémonie régionale par le régime Erdogan en Turquie accumulent de la dynamite dans une région où il ya déjà un enfer en Syrie, Irak, Libye et Yémen.
Ce n’est pas un hasard si Athènes, en Grèce, a accueilli, au milieu des luttes sociales énormes contre les politiques de la troïka et de leurs collaborateurs grecs au pouvoir, ainsi que dans la foulée de la première vague des révolutions au Moyen-Orient surnommé le «Printemps Arabe», deux Conférences Internationales Euro-Méditerranéennes importantes. Tous les deux ont été organisées par le Centre Balkan Socialiste «Khristian Rakovski», le site web RedMed et les partis révolutionnaires internationalistes du Comité de coordination pour la Refondation de la Quatrième Internationale (CRQI), et ont été accueillis par le Parti Révolutionnaire des Travailleurs (EEK) de la Grèce. Cependant elles étaient ouvertes aux ouvriers militants et aux organisations populaires et aux mouvements sociaux européens et mondiales, impliqués aujourd'hui dans les luttes sociales contre la barbarie capitaliste, ainsi que les forces de la Gauche venant de différentes traditions.
La Première Conférence Euro-Méditerranéenne, au début de Juin 2013, acoïncidé avec et a été intimement liée à la rébellion populaire dans Gezi Park, à Istanbul. Contre la haine chauvine que les classes dirigeantes sur les deux côtes de la mer Egée cultivent, les révolutionnaires turcs et grecs, avec d'autres combattants de la gauche révolutionnaire et les mouvements sociaux venant d'autres pays et de traditions politiques différentes, se sont rejoints dans une manifestation d'internationalisme dans la pratique afin de discuter librement et décider sur les points programmatiques communs et de planifier des actions communes pour une sortie socialiste de la crise.
La Deuxième Conférence Euro-Méditerranéenne a eu lieu à Athènes à la fin de Mars 2014, avec le volcan ukrainien en pleine éruption. Parmi les participants figuraient à la fois communistes russes et ukrainiens et d'autres militants de gauche des Balkans, de l'Europe de l'Est et du Moyen-Orient, qui, après un débat commun, dans leur majorité ont voté et ont émis une déclaration internationaliste, anti-impérialiste et anti-chauviniste. Sur cette base politique, d'autres actions communes, dans la période explosive suivante, ont eu lieu dans les Balkans, l’Ukraine, la Russie et ailleurs.
Maintenant, une Troisième Conférence Euro-Méditerranéenne aura lieu à Athènes, les 18-19-20 juillet 2015, dans des conditions qui coïncident à nouveau avec les changements les plus spectaculaires et inattendus en Europe, occidentale et orientale, dans les Balkans, dans les anciennes républiques soviétiques, en particulier en Ukraine et en Russie, au Moyen-Orient, l'Afrique et l'Amérique Latine, partout dans le monde actuel en crise et en transition.
Une ébauche sera présentée en temps opportun à tous les participants en tant que matériaux pour la discussion. Documents présentés par d'autres militants invités, des partis, des organisations, des syndicats, des mouvements sociaux sont les bienvenus pour la distribution et la discussion. Une déclaration finale sera discutée, amendée et votée, et sera publiée ultérieurement.
Une session spéciale sera consacrée à un débat entre les militants dans les mouvements ouvriers et syndicaux internationaux, à élaborer un Manifeste de Combat et de Solidarité, ainsi que d'un Plan d'action commune, en particulier en Europe et au Moyen-Orient. Les problèmes d'organisation révolutionnaire au niveau national et international doivent être discutés de toute urgence, à la lumière notamment des récentes expériences dramatiques.
Certains des points programmatiques pour le débat que nous proposons sont:
- Lutte pour l'annulation de toute la dette qui vole et écrase les vies de millions, par l'expropriation des banques sous contrôle ouvrier.
- Tous les plans «d'austérité» de cannibalisme social, imposés par l'UE, la BCE, le FMI et les gouvernements capitalistes doivent être arrêtés immédiatement. C’est les capitalistes qui doivent payer pour la crise de leur système d'exploitation, pas les exploités! Nous devons nous battre pour rétablir les salaires, les pensions et les droits sociaux des travailleurs en fonction des besoins sociaux, pas pour les profits de la minorité.
- Contre le chômage de masse, nous appelons à nous battre pour l'interdiction des licenciements, pour la distribution des heures de travail entre tous les travailleurs. Des travaux publics d'infrastructure, qui sont de toute façon vitaux et urgents, doivent être développés afin de créer de nouveaux emplois.
Les barons de la grande industrie font toujours du chantage aux travailleurs pour leur faire accepter davantage de réductions de salaires et de l'emploi, affirmant que sinon ils seraient forcés à fermer ou «délocaliser» leurs usines à l'étranger. Notre réponse doit être: occuper toutes les usines qui ferment ou renvoient en masse, exproprier les usines en question, sans compensation, les faire fonctionner de nouveau sous contrôle ouvrier et la gestion des travailleurs.
- Pour une lutte résolue contre le fascisme, le racisme et la discrimination contre les immigrants et les réfugiés, les femmes, l'orientation sexuelle, contre toutes les minorités opprimées!
- Pour mettre fin à l'État policier et à l’«État d'Urgence» imposteur à travers le démantèlement de l'appareil d'État bourgeois répressif.
- Pour mettre fin à l'OTAN et à démanteler toutes les bases et les alliances militaires impérialistes, en nous opposant activement et en repoussant leurs plans de guerre vers l'Est et le Sud, vers les anciennes républiques soviétiques, ou leurs efforts de rétablir «l'ordre» impérialiste dans le chaos qu'ils ont produit au Moyen-Orient. Pleine solidarité à toutes les luttes anti-impérialistes des peuples opprimés en Afrique, au Moyen-Orient, en Palestine occupée, au Kurdistan divisé, en Asie et en Amérique Latine!
- Notre cri de guerre doit être: A bas tous les gouvernements capitalistes! Pour les gouvernements des travailleurs et le pouvoir ouvrier! A bas l'Union Européenne des impérialistes, la prison des peuples! Non au piège du nationalisme réactionnaire! Pour une unification socialiste révolutionnaire de l'Europe, de Lisbonne jusqu’à Vladivostok!
Centre Balkan Socialiste «Khristian Rakovsky»
Site web RedMed
mai 2015