La mobilisation contre la liquidation de notre système de retraite semble marquer le pas. La grève reste limitée, les manifestations sont importantes mais pas considérables. En tout cas en dessous du niveau nécessaire pour faire plier Macron.
Le mouvement est au milieu du gué.
En passant en force, Macron a fait basculer la CFDT du côté de la grève. Mais c’est contre son gré et seulement pour un temps. Le jeu de cette confédération est connu (depuis le « recentrage » initié par Edmond Maire en 1978, qui devance les desiderata patronaux et fait de ce syndicat un pion avancé des patrons dans les rangs ouvriers) : Berger espère obtenir une concession de Macron après quoi, faisant valoir SA victoire, il s’efforcera de briser la grève. À la CFDT s’ajoutent la CFTC, la CGC, et l’UNSA qui suivront l’itinéraire de la CFDT.
Les directions des deux autres « grandes » confédérations réformistes (FO, CGT) ne sont pas très offensives et c’est largement sous la pression de leurs bases respectives qu’elles sont entrées en résistance. Mais aucune d’elles n’a lancé le mot d’ordre de « grève générale ». Ce serait pourtant un mot d’ordre en adéquation avec l’état d’esprit d’une fraction importante du « monde du travail », s’il se confirmait que ce « monde du travail » comprend bien que la question des retraites, pour importante qu’elle soit, n’est qu’une partie de ce qui se joue actuellement. Laisser le mouvement actuel à sa propre dynamique lui fait courir le risque d’un écrasement.
Ce qui se joue, c’est un changement de civilisation. La bourgeoisie est en train de liquider sa propre République et sa propre démocratie. Il ne doit rien rester du compromis fordiste et du keynésianisme qui, bien que puissamment remis en cause depuis les années 70, est aux yeux des néo-libéraux, encore trop présent dans les institutions et les textes réglementaires. Ces obstacles à l’accroissement des revenus du capital doivent totalement disparaître. C’est la clé de compréhension de la contre-réforme des retraites, de l’attaque puissante contre les indemnisations chômage, contre le droit et le code du travail (Loi Rebsamen, El Khomry, ordonnances Macron), des attaques contre l’école, l’Université, la recherche, le système de santé et en premier lieu l’hôpital public, la sécurité sociale, la fonction publique, la justice, la presse, la jeunesse, les femmes… et comme toujours le bouc émissaire que sont les « immigrés ». C’est la clé de compréhension des violences policières, de la violence des magistrats (avec des jugements hors la loi) contre le monde du travail, contre les lycéens, les étudiants, et contre toutes expressions politiques, syndicales ou associatives (et même simplement citoyennes) des mécontentements et des protestations. C’est la clé de compréhension de la destruction des institutions, qui commence par la mise sous tutelle des collectivités territoriales et se continue avec la régression du périmètre de compétence du parlement…
Macron tue la République depuis l’intérieur de la République, en utilisant ses institutions et textes réglementaires. Nous n’avons jamais été idolâtres ni de l’État ni de la République bourgeoise (qui n’a jamais été démocratique, mais toujours très limitée aux intérêts de la classe dominante) mais nous dénonçons le régime que met en place Macron et les capitalistes comme étant une dictature, et une dictature qui sera violente et meurtrière. Ce sera une forme renouvelée, « moderne » (ou plutôt contemporaine) de fascisme.
Macron et les siens se sont mis au service exclusif de puissances d’argent dont les intérêts sont profondément étrangers et opposés aux intérêts vitaux de la grande majorité de la population de ce pays. De la sorte, Macron et les siens se sont rendu coupables de haute trahison.
Les magistrats qui jugent les manifestants, jugent de manière inique et illégitime, et renforceront ces tendances détestables, immorales et punissables. Mais ceux résistent déjà et ceux qui résisteront à l’avenir sont ceux qui ont et auront toujours raison contre l’exploitation, l’oppression et la tyrannie, ce sont eux qui sont porteurs de l’avenir, et du même courage, du même honneur, de la même fierté que ceux qui ont combattu les nazi et les collabo, le plus souvent au prix de leur vie.
Macron a tombé le masque, il n’est pas en même temps de droite et de gauche ; c’est l’une des fractions de la droite et même l’une des fractions radicales. Aux européennes l’électorat de droite l’a reconnu comme le « parti de l’ordre » et comme le parti de l’argent, il s’est détourné de LR et a massivement voté Macron. C’est essentiellement grâce à ce transfert de voix de la droite post-gaulliste vers LREM que Macron n’a pas « dévissé ». Mais son électorat reste numériquement faible. Il a même baissé par rapport aux résultats de 2017, et il est important de comparer son score en pourcentage de suffrages exprimés et son score en pourcentage des inscrits. Macron n’a le soutient que d’un petit 10 % de la population. Comme il n’a pas le soutient de larges couches sociales de la société française, son seul soutient est le stock de grenades qu’il renouvelle fébrilement depuis son arrivée à l’Élysée.
Par ailleurs, les groupuscules néofascistes ont systématiquement défendu la politique macronniene allant à l’affrontement contre ceux qui la remettaient en cause.
Face à ce qui se met en place, ou qui est déjà en place, la gauche faillie s’anime. Contacts entre Clémentine Autain (LFI) et Elsa Faucillon (PCF), Grande messe de toute la gauche le 11 décembre 2019 à St Denis, avec le PCF, le PS, la FI, EELV, Génération.s, le NPA, et même LO. Nous faisons le même constat que cette gauche : nous sommes entré dans un processus de fascisation, un danger de mort pour l’ensemble de la classe ouvrière. Mais nous ne partageons pas du tout l’idée que la solution à ce péril soit de ressusciter la vielle gauche faillie et traître à la classe ouvrière. Il s’agit en particulier de ne pas réhabiliter le PS, mais nous mettons en garde l’ensemble du monde du travail contre la France Insoumise qui est au mieux pour une relance néo-keynésienne, c’est à dire pour un retour à un capitalisme « d’État Providence » : outre qu’il s’agit d’une impossibilité totale, il s’agit aussi de faire croire que l’on peut concilier capital et travail. La vielle rengaine réformiste, est un piège mortel pour le mode du travail. S’agissant d’EELV, voici bien une autre impasse, puisque cette organisation ne dénonce pas le capitalisme comme cause majeur et décisive des graves problèmes environnementaux et climatiques. Nous avons nommée « néo-réformisme » cette tendance à la recomposition de fractions faillies de l’ancien réformisme et nous avons ajouter que ce néo-réformisme est un clone exacte de l’ancien réformisme et qu’il est lui aussi déjà failli. Voir le PT du Brésil, et Syriza en Grèce (sans compter les autres). S’agissant du NPA, toujours prêt à sauter sur une occase, et LO, ce qui est plus surprenant, qu’ils expliquent ce qu’ils allaient faire dans cette galère.
Face à ce qui est déjà en partie en place, la classe ouvrière (au sens large) a trois catégories de problèmes à résoudre :
- 1) Se défendre contre la politique des capitalistes néo-libéraux, contres les forces de l’ordre capitaliste, contre la « justice » capitaliste, et désormais contre les groupuscules néo-fascistes ;
- 2) reconstruire des organisations vraiment ouvrières :
- 2a) reconquérir les directions des organisations syndicales ouvrières passées au réformisme ; rétablir la « démocratie ouvrière » et la « démocratie syndicale ». Construire dans la lutte des comités d’usine, des comités de grève, des conseils ouvriers, etc. Conquérir le « Contrôle Ouvrier ».
- 2b) reconstruire un parti de la classe ouvrière agissant pour son émancipation, c’est à dire capable de redonner une perspective politique émancipatrice, de conduire la lutte pour le dépassement et l’abolition de la société bourgeoise et de son mode de production et d’exploitation capitaliste ;
- 3) produire et faire connaître largement un programme de transition qui va du capitalisme vers la société émancipée, sans classes et sans exploitation qu’est le socialisme (le vrai, c’est à dire pas le capitalisme à masque social-démocrate). Ce programme doit faire le lien entre les luttes actuelles et le projet d’émancipation, il doit « traduire » ce projet en terme de revendications immédiates.
Ce Programme existe déjà en partie : c’est le Programme de Transition écrit en 1937-1938 par Trotski. Si certains passages doivent être réécrit et actualisé, le temps ayant passé, d’autres sont d’une étonnante actualité. Mais l’ensemble a été écrit par un marxiste et un militant expérimenté ce qui est une base irremplaçable. Aux militants d’aujourd’hui de s’en emparer et de le faire vivre dans l’actualité de la lutte contre la liquidation des retraites et contre le processus de fascisation.
Nous disions que laisser le mouvement actuel à sa propre dynamique lui fait courir le risque d’un écrasement. Face à nous il y a des extrémistes, des jusqu-au-boutistes. Soit nous les défaisons soit ils nous écraseront, sous les salaires de misère, l’arbitraire patronal et l’absence de droits, l’absence de système de santé ou d’éducation, les taxes, la violence d’État (policière ou judiciaire).
Alors défaisons les.
Non à la liquidation de nos retraites !
Non aux ordonnances Macron ! Non à la loi El Khomri !
Supprimons les régimes spéciaux de l'oligarchie capitaliste!
Quand l'exécutif, le judiciaire et le législatif ne font plus qu'un, la dictature est en marche!