L’assassinat, par la police, de Nahel, lycéen de 17 ans, a fait exploser la colère, partout dans les quartiers populaires du pays, des jeunes se révoltent et subissent une répression ultra-violente. L’ampleur de la répression est inédite : 875 personnes ont été interpellées par 40000 policiers, des forces de répression déployées sur le territoire, dont des unités du RAID, du GIGN ou de la BRI.
Depuis le tout début de son premier mandat (en 2017), la politique imposée par Macron est placée sous le signe des violences.
Violences sociales et économiques d’abord – diminution des APL (Aides Personnalisées au Logement), suppression de l’ISF (Impôt sur la Fortune), ordonnances Macron (qui viennent compléter la Loi Travail, dite Loi El Khomri mais en fait rédigée par Macron - déjà -, dont le but est de démolir profondément le code du travail et donc les conditions de travail). Immédiatement à la suite de ces violences sociales et économiques vient la préparation de violences d’État (violences policières épaulées par des violences judiciaires) et dont le premier signe est (en août 2017) l’achat pour un montant de 22 millions d’euros de matériel pour les forces policières1 – LBD, grenades lacrymogènes, grenades dites de ‘désencerclement’ (des GLI-F42), c’est-à-dire du matériel de guerre qui infligera des blessures de guerre en particulier contre les ‘Gilets Jaunes’. En novembre 2022, pour son second quinquennat, Macron a de nouveau acheté le même type de matériel, mais pour un montant de 38 millions d’euros, cette fois (ce qui ne l’a pas empêché d’acheter entre-temps ce type de matériel mais de manière moins exceptionnelle, via le budget du ministère de l’Intérieur).
Depuis 2014, le nombre d’interventions mortelles de la police ne cesse de croître pour atteindre plus de 20 morts chaque année. Un niveau exceptionnellement haut. Les décès par malaise ou asphyxie, qui impliquent des techniques controversées, sont plus nombreux.
Juste avant les élections de 2017, sous Hollande (PS), a été assoupli le cadre de l’usage des armes à feu par la police et inauguré la possibilité de tirer dès que les policiers constatent un « refus d’obtempérer », le nombre d’homicides policiers a été multiplié par cinq depuis cette date.
Les lois successives concernant la police, de la Loi sécurité globale en 2020 à la LOPMI en 2022, (en fait, une suite ininterrompue de lois très liberticides), n’ont fait qu’augmenter les moyens répressifs. Au moins 13 morts ont été causées par la police lors de contrôles en 2022.
Ces interventions policières mortelles constituent la partie la plus visible de l’action des forces de désordre. Leur augmentation marque aussi un durcissement des autres actions de coercition en particulier lors des opérations de maintien de l’ordre avec la multiplication des blessures graves et de mutilations chez les manifestants.
Dans un récent déplacement à Marseille, Macron affirmait vouloir renforcer la répression pour mater la jeunesse. L’assassinat de Nahel est donc la mise en œuvre de sa politique. Comment alors ne pas voir un crime avec préméditation ? Qui fait suite à d’autres crimes avec préméditation. Ce meurtre s’inscrivant dans la longue liste des crimes policiers pour « refus d’obtempérer » (ou d’autres motifs), montre que la police dispose depuis des années d’un véritable permis de tuer, qui annihile l’abolition de la peine de mort, pourtant votée par le parlement et non abrogée à ce jour.
Mais il faut bien comprendre que si la jeunesse est aujourd’hui ciblée, l’annonce de Macron vaut pour tout le monde. Il faut se souvenir de l’attaque du cortège du premier mai, des violences contre les infirmiers et infirmières, des attaques contre les raffineurs, contre les électriciens, les gaziers, contre les cheminots, contre les éboueurs, les égoutiers, contre les manifestants s’opposant à la contre-réforme des retraites. C’est une violence toujours plus grande contre la classe ouvrière que Macron prépare. Toujours plus ressemblant à un dictateur, Macron ne s’arrêtera pas. À moins que nous ne l’arrêtions. C’est la fonction d’une organisation révolutionnaire que de donner à la classe ouvrière et toutes les catégories populaires, les moyens théoriques et pratiques de s’organiser pour se défendre et vaincre l’oppresseur.
Un certain nombre de jeunes qui ont réagi au crime, l’on fait en s’en prenant à des équipements urbains (abris bus, poubelles ,…), des bus, des automobiles, des magasins, des écoles, quelques mairies, et même le domicile d’un Maire de droite (Vincent Jeanbrun, un fidèle de Valérie Pécresse, celle qui, en 2007, a détruit l’Université avec la LRU, et détruit en ce moment la RATP).
Archi-hégémonique, la presse de la classe dominante n’a pas de mots assez durs pour appeler à la répression renforcée des jeunes. Comme si elle n’existait pas déjà, comme si elle n’était pas déjà très brutale. C’est une presse ‘versaillaise’, qui appelle au meurtre, comme appellent au meurtre certains syndicats policiers. Avec ces appuis, Macron peut imposer la censure des réseaux sociaux, le couvre-feu et des blindés dans les rues, comme sous une dictature. De l’État d’exception, nous sommes passés à l’État de siège. Macron est l’ennemi du peuple.
Contre les jeunes révoltés, l’indignation des médias bien-pensants est à ‘géométrie variable’. Certes, brûler un abri-bus ‘‘C’est pas bien’’ comme on dit en Suisse. Mais détruire l’Hôpital Public et entraîner ainsi la mort de plus de 170 000 personnes, détruire l’Université, EDF-GDF, la Poste, la SNCF, les 2 morts journaliers par accidents du travail, voler les pauvres en les privant des aides sociales (et les qualifier d’assistés), voler deux années de retraites aux salariés, voter un budget militaire de 413 milliards d’euro et préparer la 3e guerre mondiale, avec des milliards de morts prévisibles, alors l’indignation journalistique et bien-pensante n’est plus là pour nous dire ‘‘C’est pas bien’’.
Oui, une fraction de la jeunesse des quartiers s’en est pris à des abri-bus, à des véhicules appartenant à des gens qui ne sont pas forcément des nantis, et à des symboles. Cela montre à la fois un grand désarroi, et une absence totale de perspectives sociales et politiques. Cette situation est de la responsabilité des politiques qui se sont succédés au gouvernement ces dernières décennies.
Des politiciens bourgeois de la Droite en premier lieu, qui sont tous co-coupables des politiques ‘néolibérales’ qui dynamitent la France depuis 40 ans et, avec la France, tous les autres pays capitalistes grands ou petits (Macron met la France dans le même état que celui dans lequel M. Thatcher avait mis la Grande-Bretagne, c’est-à-dire en ruine).
Co-coupable également la Gauche et plus particulièrement le PS. Ceux de la « deuxième » gauche, ceux du Think-Tank Terra Nova, les Mitterrand, les Delors, les Fabius, les Rocard, Jospin et Hollande.
La direction du PCF est aujourd’hui plus à droite que jamais de toute son histoire. Après avoir joué la carte de « l’euro-communisme », après avoir abandonné la classe ouvrière, dans les années 1980-1990 (participation à deux gouvernements « de gauche », et s’être fait la « caution de gauche » à des politiques anti-ouvrières, après avoir substitué « les gens » à la classe ouvrière (vingt ans avant Mélenchon), pour séduire l’électorat populaire qui vote FN/RN, la direction du PCF, reprend à son compte les thèmes de l’extrême-droite. Gageons que, comme la bureaucratie soviétique a détruit l’Union Soviétique, la bureaucratie du PCF détruira son propre parti.
Aujourd’hui, les descendants de cette gauche PS sont de nouveau présents, et avec le PCF, commentent les émeutes de manière abjecte. Ils savent si bien le faire.
Mais plus coupable encore que ceux qui précèdent, il y a Macron lui-même qui n’a pu arriver au pouvoir que par des stratagèmes de pervers. Poussant toujours plus loin déconstruction du pays, il n’a eu de cesse de réduire la discussion politique au seul affrontement entre lui et le FN/RN. Ultra minoritaire dans le pays, il a rendu captif une grande fraction de l’électorat qui ne pouvait plus voter qu’entre deux de ses ennemis (Macron ou Le Pen). L’impasse politique dans ce pays c’est d’abord Macron lui-même.
Ce qui manque dans ce pays, c’est un vrai parti ouvrier et révolutionnaire. C’est un parti qui ne soit pas le dépositaire et héritier de toutes les défaites, mais qui au contraire soit utile (et ressenti comme tel) à la classe ouvrière dans ses différents combats contre la classe bourgeoise radicalisée. C’est un parti qui, sans jamais perdre de vue l’objectif de la révolution prolétarienne, sait traduire en termes de revendications immédiates cet objectif révolutionnaire. Il faut un parti capable de construire un rapport de force pour briser l’offensive enragée des capitalistes. Cela veut dire que la bataille contre la contre-réforme des retraites doit reprendre, mais pas sous la direction d’une intersyndicale capitularde. (Il serait inutile de s’affranchir des bureaucraties syndicales si c’était pour se retrouver sous la coupe d’une autre bureaucratie, celle de la « gauche » déjà faillie). Cela veut dire mettre en avant toutes les revendications économiques de l’ensemble de la classe ouvrière, mais aussi les revendications politiques : défense sans concession du droit de grève, avec piquets de grève, défense sans concession du droit de manifestation, donc avec la constitution d’un SO capable de défendre les manifestants contre toute agression. Pour l’échelle mobile des salaires (contrant l’inflation capitaliste), pour l’échelle mobile du temps de travail, (pour travailler tous mais moins, en réduisant le chômage) pour le contrôle ouvrier sur la production, (pour préparer la direction socialiste – pas au sens PS – des entreprises par les salariés eux-mêmes). Pour la jeunesse d’origine ouvrière, contre Macron, il faut affirmer que l’Université doit être accessible à toutes et tous, il faut défaire les lois LRU de Mme V. Pécresse, la loi LMD, etc... et la privatisation rampante de l’Université et de la recherche…
Comme dans tous les pays capitalistes, les richesses créées par la classe ouvrière sont détournées vers la finance. Les très riches n’ont jamais été aussi riches. L’optimisation fiscale (qui n’est qu’un autre nom de la fraude fiscale), coûte « un pognon de dingue » au pays, on ne doit plus pouvoir gagner des milliards en une journée, comme B. Arnaud récemment. Les « aides » accordées aux grandes entreprises par Macron, sans contreparties (des centaines de milliards d’argent public) montrent que ce sont les très riches qui sont les vrais assistés, pas les chômeurs, pas les précaires, pas les bénéficiaires du RSA. On ne peut payer des médecins, des infirmiers/infirmières, des enseignants, des chauffeurs de bus, de métro ou de trains ,… on ne peut payer ceux qui travaillent, en même temps qu’on distribue des montants astronomiques sous forme de dividendes. C’est le principe des vases communicants, ce qu’il y a dans la poche des riches vient de ce qui est pris dans la poche des pauvres. Ce qui pendant quarante ans de néolibéralisme a été détourné au profit exclusif des très grands capitalistes a abouti à la ruine des services publics, et entre autres à la ruine de l’hôpital public, (ce qui explique les plus de 170 000 morts pendant la pandémie de covid, montrant au passage le caractère criminel de cette politique).
Macron (mais aussi tous les autres ultras du capitalisme) n’est pas président de la république pour résoudre ces problèmes. Il est président pour garantir que les riches s’enrichiront encore, même si pour cela il faut détruire cette république et ses institutions. Même si au bout du procès de fascisation, après avoir réprimé les salariés (du public et du privé), les chômeurs, les précaires, les grévistes, les manifestants, bref tous ceux que cette politique lèse, (80 % de la population), il faudra bien achever la République bourgeoise en la remplaçant par une dictature de type fasciste. C’est ce que prépare Macron. En fermant tous les canaux démocratiques, il contraint la protestation à la violence.
La société bourgeoise et son mode de production capitaliste n’offre aucun avenir ni aux actifs, ni aux retraités, ni aux lycéens, ni aux étudiants, d’origine ouvrière, français de souche ou d’origine étrangère. À ce monde sans avenir, opposons la révolution prolétarienne qui nous libérera du pillage capitaliste, et redonnera au monde un avenir désirable.
La jeunesse, qui est directement dans le viseur du pouvoir bourgeois, en particulier celle qui subit les violences depuis trop longtemps et se révolte aujourd’hui, ne peut pas se contenter de brûler des abris bus, des voitures individuelles, ou quelques édifices publics. D’autant que pour gagner, il faudra la participation des plus larges secteurs de la population, et ceux dont les voitures auront brûlé auront alors peut-être quelques hésitations. Il faut viser plus haut que les symboles de la bourgeoisie. Il faut viser la société bourgeoise elle-même, dans ce qu’elle a de réel, et dans son ensemble. Cela ne peut se faire qu’en apprenant de l’histoire internationale du prolétariat, pour ne pas refaire les erreurs du passé, qu’en apprenant à déjouer les pièges nombreux que l’ennemi de classe ne manquera pas de nous tendre. Cela suppose que les victimes doivent s’organiser en un parti, avec un programme pour la révolution. Un mouvement, s’il ne se donne pas de « buts de guerre », s’il ne se dote pas d’objectifs (tactiques et stratégiques) ne peut qu’être écrasé. Comme le dit l’adage : « ceux qui ne veulent qu’une demie révolution, auront une défaite totale ».
La violence d’État va continuer et même se renforcer. Toutes les strates des « catégories populaires » toutes les fractions de la classe ouvrière doivent converger et se construire en parti ouvrier révolutionnaire, pour espérer pouvoir se défendre, dans un premier temps, puis vaincre les ennemis du peuple, la classe des capitalistes.
1 BOAMP Bulletin Officiel des annonces des Marchés Publics : Avis n o 17-112134, publié le 5/8/2017 (https ://www.boamp.fr/avis/detail/17-112134). « Acquisition de grenades et de moyens de propulsion pour les besoins de la Gendarmerie et Police Nationales » Valeur hors TVA : 22 millions d’euros.
2 Une grenade lacrymogène, assourdissante et à effet de souffle, contenant une charge explosive de 26 grammes de TNT