Finalement, hier, jeudi 16 mars, le gouvernement a fait passer sa réforme des retraites en usant à nouveau de l’article 49-3*.
Le pouvoir exécutif a dû recourir à cet article anti-démocratique, car il n’était pas assuré de réunir une majorité de parlementaires.
Ce n’est pas seulement une étape de plus dans l’offensive anti-démocratique de Macron, dans la continuité d’un processus parlementaire qui les accumule, et ce faisant, qui amplifie de beaucoup une crise politique profonde qui dure depuis de nombreuses années. Nous sommes depuis longtemps au bord de la rupture. Celle-ci semble plus proche aujourd’hui que jamais depuis le régime de Vichy.
La bourgeoisie ne supporte plus sa propre démocratie (pourtant faite par et pour elle-même), alors Macron, son mandataire, la dynamite. Il prépare ainsi le terrain pour un régime d’exception, sans parlement, et peut-être sans cadre légal.
D’un point de vue politique, les députés insoumis vont voter une motion de censure avec la croyance qu’elle pourrait envoyer le gouvernement dans les cordes en renversant le gouvernement d’Élisabeth Borne et empêcher l’adoption de la réforme. De son côté le PCF en appelle à un référendum... Outre que la probabilité de victoire de cette motion est faible, ces solutions font toutes appelle aux institutions (qui ont pourtant montré ces derniers jours pour qui et pourquoi elles sont faites). Pour ces partis il s’agit de contourner de fait le mouvement ouvrier de ne pas s’appuyer dessus, et donc de le voir rentrer à la maison. Nous y voyons ce que Marx a vigoureusement critiqué dans son ‘‘Adresse du comité central à la ligue des communistes’’. Au contraire, nous pensons que seule l’organisation et la lutte de la classe ouvrière alliée aux autres fractions des classes populaire mais indépendante de celles-ci mais les entraînant, est de nature à porter un coup à Macron et à la bourgeoisie.
L’opposition à la contre-réforme des retraites a été massive (jusqu’à 3 millions de manifestants et plusieurs fois plus de 2 millions). Très au-delà de la seule classe ouvrière. Sans compter des sondages qui montrent qu’une fraction majoritaire de la population s’est déclarée favorable à un blocage du pays.
Mais si cette opposition à la contre-réforme des retraites a été l’élément déclencheur, c’est, en fait, toute la politique (dite néo-libérale) conduite depuis 40 ans qui est largement rejetée. Une question stratégique sera de savoir précisément ce qu’est ce ‘‘largement’’.
L’un des facteurs de réussite des manifestations très massives a été l’unité syndicale. La CFDT, la CFTC, l’UNSA, la CGC,… ont largement contribué à la massification des manifestations en se joignant aux syndicats réformistes (CGT, FO, FSU, Solidaires). Mais c’est aussi la faiblesse de cette intersyndicale de fait subordonnée au tandem CFDT-CGT (et plus exactement à la CFDT, syndicat très collaborateur du patronat et du gouvernement). L Berger (leader de la CFDT) ayant annoncé qu’il quitterait le mouvement en cas de passage de la loi.
Au cours de ce long mouvement de lutte, contre la tendance spontanée de très nombreux manifestants, Berger a maintes fois répété qu’il ne voulait pas étendre les motifs de protestations à autre chose que la lutte contre la contre-réforme des retraites. Or, par ces temps de forte inflation, de salaires bloqués, de conditions de travail se dégradant toujours plus (management ultra-autoritaire,…), d’attaques très violentes contre les chômeurs, contre la jeunesse (SNU, Parcoursup,…) contre les femmes et contre les travailleurs migrants, c’est bien contre cette société que nous prépare la bourgeoisie, par Macron interposé, que se dresse le pays.
La CFDT et les syndicats de collaboration de classe, quittant le mouvement, la CGT de Martinez ne proposant rien d’autre que de continuer, l’intersyndicale ayant conduit le mouvement dans le mur, la suite du mouvement se situe désormais hors de l’intersyndicale.
Les premières réactions au 49-3 ont été des manifestations entre autres devant l’Assemblée Nationale. La répression policière était également au rendez-vous.
À 9h40 : Les dernières informations du ministère de l’Intérieur faisaient état de 258 interpellations à Paris et 310 dans l’ensemble du pays.
Plusieurs collectifs se sont constitués qui appellent à reconduire la (les) grève(s), à s’organiser à la base, pour aller vers la grève générale, …
Des piquets, des actions de blocages se poursuivent, dans les raffineries, avec les éboueurs et parmi les jeunes, qui tous subissent les violences policières.
Mais ce mouvement a un gros problème : l’absence de stratégie. Nombreux en sont conscients et alertent qui veut bien entendre.
L’absence d’organisations de classe et de masse se fait durement sentir.
Si une telle organisation existait, elle poserait les questions de la transformation des collectifs actuels en conseils ouvriers, de l’actualisation d’un programme de transition avec des revendications de transition (abrogation immédiate des contre-réformes, mise en place de structures d’entre-aide pour lutter contre l’inflation et la paupérisation, entre autres pour lutter contre les hausses de loyers,...), de la dualité de pouvoir entre les conseils ouvriers et le gouvernement bourgeois, et de l’organisation de l’autodéfense ouvrière.
* Pour faire adopter un texte sans vote par l'Assemblée nationale, le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement en activant l'article 49.3 (49 alinéa 3) de la Constitution. Le projet de loi est alors considéré comme adopté si une motion de censure contre le Gouvernement n'est pas votée par l'Assemblée nationale. À l'inverse, si une motion de censure est votée, le Gouvernement est renversé et le texte rejeté.