After a general survey and four articles on the elections to the European Parliament in Hungary, Romania, Greece and Italy we continue our series with France with an article in French by our comrade Guy Hesser from ROR (Renaissance Ouvrière Révolutionnaire). Inquiets, les représentants des parti bourgeois et leur presse ont commencé par saluer un bond de participation de nature à re-légitimer les institutions européennes. Cependant, la divine surprise ne résiste pas aux statistiques données par le ministère de l’Intérieur. Sur 47 344 860 inscrits les votants n’ont été que 50,12 % et les abstentionnistes 49,88 %, à quoi il faut ajouter les votes blancs et nuls, plus tous ceux qui ne sont même plus inscrits sur les listes électorales, en particulier dans les quartiers populaires, tant ils constatent l’inutilité d’élections qui ne changent rien à leur vie (quand l’électorat n’est pas purement spolié du résultat des élections comme ce fut le cas lors de la consultation sur le prétendu traité constitutionnel en 2005). L’électorat populaire, dans toutes ses composantes, le monde du travail, est donc largement resté à l’écart des européennes. La crise de représentation demeure, elle est historique. Les résultats sont les suivants : -Le FN/RN (parti de la droite xénophobe et fascisante) arrive en tête et est donc le premier bénéficiaire du scrutin (23,31 % des exprimés) ; -Suit le parti présidentiel (LREM : 22,41% des exprimés) ; -Les écologistes (EELV : 13,47 % des exprimés) passent devant la gauche ; -La France Insoumise (LFI : 6,31% des exprimés) ; -les résidus du PS (la social-démocratie historique) sont insignifiants -Le PCF (2,49 % des exprimés) disparaît du paysage politique. Notre groupe appelait à voter pour la liste de Lutte Ouvrière qui obtient elle aussi un score historiquement bas (LO : 0,78%) malgré le soutien du NPA. * Une comparaison rapide et superficielle des résultats des élections du printemps 2017 et des dernières Européennes laisserait penser que l'électorat qui avait voté Macron et Le Pen en 2017 sont restés à peu près mobilisés et stables alors que l'électorat de Fillon et de Mélenchon s'est tassé, ce qui suffit à expliquer les résultats de ces listes en 2019. Il est cependant intéressant d'intégrer des critères de classes sociales, en l’occurrence d'environnement social (le revenu médian des communes dans lesquelles demeure l'électorat), pour faire apparaître d'autres tendances. Les électeurs de Le Pen en 2017 ont pour environ 50 % d'entre-eux votés pour Bardella, tête de liste du FN/RN en 2019. Cet électorat s'est relativement peu abstenu (taux d'abstention compris entre 30 % et 40%) comparativement aux autres formations. De plus, à l'intérieur de cet électorat, la composition sociologique reste grosso modo stable. Le vote FN/RN est relativement fort dans les classes populaires et les classes moyennes et diminue dans les catégories plus fortunées. Au contraire de l'électorat du FN/RN, celui de LREM (la liste de Macron) dont l'érosion en pourcents est réelle mais relativement faible, a vu certains changements. Une redistribution à la fois sociologique et entre formations. L'abstention est très forte chez les macronistes historiques demeurant dans les régions à revenus modestes, là où le mouvement des gilets jaunes a été fort, alors que cette abstention diminue beaucoup dans les régions et quartiers aisés. Si parmi la minorité qui ne s'est pas abstenue, la majorité a confirmé son choix de 2017 en votant pour la liste macroniste LREM aux Européennes, une fraction importante s'est au contraire tourné vers les écologistes. D'autres part, plus les électeurs macronistes sont riches, plus ils ont soit confirmé leur choix de 2017 ou bien ont cette fois choisi les Verts. Si la formation de Macron ne s'est pas effondrée, c'est du fait des choix de la fraction la plus fortunée de l'électorat qui, en 2017, avait choisi Fillon et a donc cette fois abandonné la liste LR pour la liste LREM. S'agit-il d'un reflex des riches vers le parti de l'ordre, en réaction contre les gilets jaunes ? Ou bien un vote qui a reconnu en Macron le parti de l'argent ? Certainement un peu des deux et de toutes manières il s'agit bien d'un vote de classe. Le repli de La France Insoumise (de 19,5 % en 2017 à 6,7 % en 2019) est le fait d'un abstentionnisme massif, en particulier dans les couches les plus modestes de cet électorat. De son côté, la fraction la plus favorisée de l'électorat mélenchoniste a massivement voté écolo (EELV). Le vote mélenchoniste évolue parallèlement et dans le même sens que l’abstention. Il est plus important parmi les catégories sociales pauvres et chute dans les catégories plus aisées. Le vote LR est bas chez les très pauvres, il croit légèrement dans les déciles médians et sensiblement dans le dernier décile. Plus on est dans un milieu privilégié, plus on vote pour Les Verts ou pour LREM. L'appel à reconstruire une Union de la Gauche, qui surgi ici et là après les Européennes, cet appel ne peut que se heurter à des obstacles de classe et, quelque part, d'une certaine manière, c'est une bonne nouvelle. Ces élections ont montré qu'il existe un clivage à gauche entre milieux populaires et bourgeoisie. Ce clivage est particulièrement net sur la question des gilets jaunes. Les électeurs de LFI qui soutiennent les gilets jaunes sont six fois plus nombreux que ceux qui leur sont hostiles alors que plus de 50 % des électeurs EELV sont réservés ou hostiles envers les GJ. * Bien que très modeste, le regain de participation à ce scrutin est sans doute à mettre à l’actif de la repolitisation induite par le mouvement des gilets jaunes (GJ) et les autres conflits récents, contre la loi Rebsamen, contre les lois El Khomri, contre les ordonnances Macron, contre la liquidation de l'enseignement et les obstacles mis au passage à l'Université (Parcoursup) contre la privatisation de l'Université (loi ORE) et contre l'augmentation des frais d'inscription, contre la privatisation de la SNCF, contre les contre-réformes des retraites et des minima sociaux, du logement social, de l'Hôpital Public et de la Sécurité Sociale, et bien d'autres encore tant dans le secteur public que le privé. Des études à venir devraient donner des informations à ce propos. La perception massive du caractère fortement réactionnaire de la politique de Macron joue sans doute également. Cependant, il ne faut pas exagérer ce dernier point : si l’audience de Macron baisse vraiment, il résiste mieux que ce que l’on pouvait escompter. La crise de représentation demeure donc et a profité essentiellement au FN/RN. Certes, 11,16 % des inscrits ne constitue pas un raz de marée et l’on ne voit pas encore dans les rues squadristes et autres freikorps. Mais, depuis le milieux des années 80 (disons 84-86) l’on a le recule nécessaire pour savoir que par sa seule existence et son poids accru, le FN/RN ne peut qu’augmenter son pouvoir de nuisance idéologique et tirer toujours plus loin à droite le débat politique et le positionnement des autres partis. D’autant que le FN/RN n’est plus le seul à jouer cette partition nauséabonde du néo-fascisme. Il faut ajouter les « identitaires » et d’autres encore. Ce « procès de fascisation » a donc commencé en France au milieu des années 80 (sous Mitterrand, et ce n’est certainement pas une pure coïncidence). Ce parti semble désormais ancré dans le paysage politique Français et le passage avec armes et bagages de la social-démocratie au social-libéralisme ainsi que la désertion et finalement l’auto-liquidation du PCF assurent une avenue au FN/RN, nombre des travailleurs ne voyant aucune autre solution à ses problèmes que ce parti anti-social et anti-ouvrier. On notera que (bien que minoritaire parmi les figure de proue des gilets jaunes), l’une d’elle ait appelé à voter Le Pen. S’agissant des gilets jaunes, il faut noter que l’Europe est restée la grande absente de ce mouvement, qu’à aucun moment cette question ne soit apparue dans leurs préoccupations alors que l’UE joue un rôle majeur sur la vie quotidienne de la population. Pourtant des revendications importantes en termes de démocratie (RIC) ont très vite émergé, débordant le motif initial de ce mouvement : les taxes sur les carburants. Jusqu’à l’élection de Mitterrand en 1981 l’alternance entre la droite et la gauche, bénéficiait à cette dernière en vertu d’un passé qui la reliait encore au mouvement ouvrier. Mitterrand a cassé le mirage et la gauche provoque aujourd’hui un rejet dans l’électorat populaire. Avec les alternances qui ne changent rien, c’est désormais toute la démocratie bourgeoise qui est discréditée, tant il est devenu évident que les élections, au lieu de permettre le changement, ne servent qu’à faire perdurer l’ordre bourgeois et l’exploitation croissante et insupportable du monde du travail. Les années Mitterrand ont été une gigantesque machine à laver les cerveaux, à dépolitiser et abrutir les individus. C’est sur le terrain laissé par cette dépolitisation, cet abrutissement que le FN/RN s’est implanté. C’est aussi le terrain sur lequel les militants révolutionnaires doivent travailler : reconstruire une conscience de classe, qui donne le pouvoir de distinguer les vrais amis des faux amis, qui donne le pouvoir de reconnaître le programme ouvrier ou le programme de la bourgeoisie. C’est cette capacité de distinguer les choses qui ouvrira un avenir pour le monde du travail et les catégories populaires. Les « néo-réformistes » sont une impasse déjà avérée pour le monde du travail, ce que l’on a pu constater avec Syriza en Grèce, Podemos en Espagne et toutes les « gauches » latino-américaines. Mélenchon et son parti LFI est en France ce parti « néo-réformiste » qui n’offre que mirages et nouvelles déceptions si ce parti accédait au pouvoir. La recherche d’accords de certains partis d’extrême gauche avec des partis bourgeois est une impasse. Victorieux, « les Verts » n’offrent même pas le début de ce que Mélenchon propose, ils sont un parti bourgeois dont les états de service sont déjà édifiants, en France mais aussi dans le monde. En France, (mais aussi au niveau européen) Cohn-Bendit est un chaud partisan de Macron et des politiques néo-libérales. Nicolas Hulot, a commencé sa carrière publique avec ses émissions Ushaïa (financée à l’époque par le quotidien de droite « Le Figaro ») ce qui l’a propulsé comme vedette et fétiche l'écologie. Hulot a montré qu’il était macro-compatible, jusqu’à ce que Macron montre lui-même que lui, Macron, est incompatible avec l’écologie. Jadot s’oppose à toutes remises en cause du capitalisme, il prétend pouvoir résoudre les problèmes environnementaux historiques sans toucher aux dividendes et à la propriété capitaliste, au droit d’entreprendre y compris contre les intérêts des peuples et des États. Les Verts se sont allié avec la droite pour faire tomber la municipalité PCF de Villejuif en banlieue parisienne. Le résultat est sans appel, la droite est la droite et les partis bourgeois sont anti-sociaux et anti-ouvrier. En Allemagne, les verts ont participé au gigantesque braquage de l’UE contre le peuple grec. Une position criminelle et réactionnaire que nous n’oublierons jamais. La défaite en 2017, des partis traditionnels qui, en France, a permis l’élection de Macron cette défaite est renforcée par la défaite aux européennes du challenger (Macron). C’est une leçon à ne pas oublier. Macron se prétend sans honte « progressiste » et affirme être le seul rempart contre l’extrême droite. Non, Macron n’a rien de progressiste. Il est au contraire la Réaction ! Et il n’est pas un rempart contre le FN/RN, mais au contraire le plus sur tremplin pour mettre les néo ou proto-fascistes au pouvoir. Il n’y a d’autre solution pour la classe ouvrière (en France comme dans le monde) que de retrouver la voie de la lutte de classes. Et pour les partis qui se réclament de la révolution prolétarienne il n’y a pas d’autre voie que les actions conjointes et le Front Unique Ouvrier contre la bourgeoisie pourrissante, voleuse, menteuse, liberticide et fascisante.